Le mandat de la rupture

Erik Sandahl est un colonel des troupes de Marine. Il est expert Europe -Asie du Nord à la direction de l’évaluation du SGDN, services du premier Ministre. A fait partie de la 53eme session du centre des hautes études Afrique et Asie modernes. C’est en tant que chef de Bataillon d’infanterie de la FORPRONU qu’il a participé en ex-Yougoslavie à la reprise de Sarajevo. Le livre est édité chez Lavauzelle.

Liminaire :
L’objet du livre est la présentation détaillée du conflit des Balkans en 1995. L’auteur commandant le bataillon d’infanterie de Marine n° 4 a pris en charge la section « opérations en cours » au sein de l’état-major de l’OTAN.
Ce mandat montre la complexité des décisions politiques concerna nt l’ancienne Yougoslavie. En effet, le pays dépendait directement de l’Union Européenne, qui après de nombreuses tergiversations posa des conditions particulières. Quatre républiques furent constituées (Bosnie-Herzégovine, …Croatie, Macédoine, Slovénie). La Bosnie-Herzégovine refusant les différentes partitions entre ethnies, et le désaccord des pays constituant l’U.E. ont amené l’Europe à porter le problème devant le Conseil de Sécurité de l’ONU. Ceci explique que l’OTAN a repris le flambeau.
L’auteur s’interroge « Pourquoi nous, dans le cadre de l’U.E., n’avons-nous pas pris le règlement du conflit balkanique à notre compte, une fois la paix rétablie en Bosnie ? »
L’absence de décisions claires des deux organismes ne permettait pas de répondre pratiquement à une demande d’intervention. Le mode de fonctionnement à l’ONU et à l’OTAN est tel, que cette vue de l’esprit ne produisit aucun résultat positif, et n’a fait que rajouter du « flou au mandat ».

Thème :
L’intervention initiale était de protéger les populations elle restera secondaire en fait par rapport à la protection des casques bleus.
La présentation de l’œuvre est articulée autour de cinq chapitres :

• La désunion Européenne et le Flou Onusien,
• La prise en compte et la préparation de la mission,
• Le déploiement du Bataillon à Sarajevo,
• La prise d’otages, la chute des points de regroupement d’armements lourds de Poijine et Lukavica,
• La reconquête du poste de VRBANJA.

Ces différents chapitres font l’objet d’une large description et d’une grande masse de détails. Intéressants dans leur précision, mais d’une lecture de leur contenu délicate qui en entache la clarté :
• L’avant-propos et le premier chapitre expliquent le comportement politique des différents intervenants, sans conteste le plus intéressant au plan général,
• Le second chapitre est plus technique et concerne la préparation difficile à la mission compte tenu du flou artistique des intervenants politiques,
• Le chapitre trois fait état de la mise en place du bataillon,
• Le quatrième chapitre présente les difficultés de mise en place des structures demandées notamment par l’ONU. Ces difficultés sont produites essentiellement par les belligérants (Croates et Serbes) qui refusent l’interposition de forces de l’ONU entre eux.
Enfin, pour faire face à l’action menée pour la reconquête du poste de VRBANJA
au chapitre cinq, plusieurs moyens sont mis en place :

• Les abords des postes situés près de positions Serbes sont protégés et piégés par des mines,
• Des renseignements sont collectés auprès de prisonniers.
Après les interventions des politiques et de l’ONU notamment, les otages du bataillon pris lors de la reconquête du poste de VRBANJA, sont libérés par les Serbes.

La reprise en mains enfin terminée, l’entrée en lice de la Force de Réaction Rapide, s’étale sur une période assez longue.
La mort du médecin capitaine des armées « Eric DORLEANS » grièvement blessé par l’explosion d’un obus de mortier de 120mm à Zetra s’ajoute aux deux Marsouins morts lors de l’attaque du Pont.

Plusieurs remarques sont à faire notamment :

• Des photographies et des dessins sont répartis au milieu du texte et n’ajoutent rien aux informations rapportées dans l’œuvre,
• Si l’attitude psychologique des acteurs est bien mise en valeur, la concision de leur propos est diluée dans le détail des phrases présentées.

Ce document a un intérêt certain pour donner un éclairage sur le rôle de l’armée confrontée aux décisions de l’OTAN et de l’ONU, et la mise en valeur de l’action des marsouins ainsi que de l’équipe commandée par le capitaine François LECOINTRE.
Au plan de l’originalité, l’œuvre présentée est très pertinente et correspond à
l’état d’esprit de l’époque. Le contenu historique ne peut pas être mis en doute et montre bien la difficulté des problèmes posés par l’absence d’une position claire des différents centres de décision. L’attitude psychologique des participants est bien décrite et fort bien montrée. Elle met en lumière les deux personnalités et leur détermination. Notamment les rôles de l’auteur d’une part, et de l’acteur d’autre part qu’est le capitaine François LECOINTRE.

Commentaire Sur l’intervention de François LECOINTRE

Le cinquième chapitre, est incontestablement au plan militaire, le point fort de la reconquête du poste de VRBANJA, notamment celle du pont tenu par les Serbes. Ce chapitre a la particularité d’être écrit à quatre :mains comme le sont les gra ndes Sonates de Piano (Mozart, Beethoven, Tchaïkovski), avec un mélange de deux thèmes correspondant d’une part à la prise en main du texte par l’auteur, et d’autre part la mise en valeur des informations techniques et les réactions philosophiques de l’acteur, pour terminer l’ensemble en apothéose.
La remise en forme des comptes rendus faite par l’acteur, montre le rôle important de l’assaut du groupe commandé par le Capitaine François LECOINTRE qui combattit à l’arme blanche (baïonnette au canon) dans- un passage étroit, contre les Serbes, pour faire sauter le verrou, et dont le bilan du côté français est de deux morts et cinq blessés.
La reconquête du poste a été baptisée Douaumont, pour répondre à la communauté militaire (d’infanterie de Marine) présente. Mais, quant à nous, nous pensons qu’il s’agit plus d’une action personnelle que nous aurions tendance à assimiler aux deux exemples historiques suivants :
Le premier concerne la bataille de Dyrrachium (ville côtière d’Albanie) opposant César à Pompée en 48 avant J.C. où la bravoure héroïque de

Crastinus (primipile d’une légion) est mise en valeur. Il reçut lors du combat un coup d’épée fatale en plein visage. Il avait déclaré à ses légionnaires avant le combat « Voici la dernière bataille : quand nous l’aurons gagnée, César retrouvera son honneur et nous notre liberté ». Ce fut le début de la fuite de Pompée en Asie M ineure suivie un peu plus tard de sa mort!

» Un autre assaut plus près de nous semble également correspondre mieux
à cette reconquête, il s’agit de la prise du pont d’Arcole par Napoléon Bonaparte, commandant de l’armée d’Italie, qui suite au découragement des soldats, et le combat étant engagé : « tire son sabre, prend un drapeau et s’élance sur le pont » car Il fallait dans ce contexte vaincre ou périr ! Carmée française en sort victorieuse après de nombreuses difficultés.
Comme Arnaud de la Grange le fait dire à l’acteur de DBP, dans son roman le Huitième Soir « C’est pour nous au fond que nous nous battons. Par fidélité à une idée que l’on se fait de la vie, de nous-mêmes, de l’Honneur ».

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